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Travail dans un lieu naturiste et droit de retrait ?

Ce type de fait semble s’être produit quelques fois.


Des salariés doivent accomplir un travail dans un lieu dont ils découvrent en y arrivant qu’il s’agit d’un lieu naturiste.


Ils tournent donc les talons et exerceraient  en quelque sorte « droit de retrait ».


Ces faits, s’ils sont avérés, revêtent un caractère particulièrement surprenant.


Mais qu’est-ce que le droit de retrait du salarié ?


Il s’agit schématiquement de ne pas obliger celui-ci à travailler dans une situation dangereuse.


Il est défini dans l’article L4131-3 du code du travail :


« Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.


L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. »


A la lecture de cet article, une notion apparaît fondamentale pour déterminer si le droit de retrait est justifié. La notion de « danger grave et imminent pour la vie et pour la santé ».


Nous laisserons de côté la question d’une défectuosité dans les systèmes de protection qui ne nous concernent pas ici.


Tout d’abord le danger doit être grave pour la vie ou pour la santé. Il doit y avoir donc menace pour l’intégrité du salarié. Cette intégrité peut être physique ou morale. Il peut s’agir sans que la liste soit exhaustive :


-       Véhicule ou équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité

-       Absence d'équipements de protection collective ou individuelle

-       Processus de fabrication dangereux

-       Risque d'agression

-       Mais aussi une ambiance de travail délétère, ou encore avec des faits de harcèlement, et en général tout facteur susceptible d’altérer gravement la santé mentale

 

Il doit être imminent, c’est-à-dire que le risque découlant de ce danger est susceptible de survenir dans un délai rapproché.


L’arrêt du travail n’obéit à aucune forme particulière. Il est toutefois conseillé de le formaliser par un message à l’employeur.


Donc dans le cas abordé ici, il nous faut supposer que le fait de se trouver dans un lieu naturiste, voire, ce qui est dans l’ordre des choses, être mis en présence de naturiste(s), serait de nature à constituer un danger d’altération de la santé mentale d’un ou plusieurs travailleurs.


Un aspect doit être abordé : c’est la question de la religion au travail, sujet susceptible de déchaîner les passion et clivant s’il en est.


En premier lieu, rappelons que l’employeur ne peut pas discriminer un salarié notamment en raison de ses convictions religieuses, au termes de l’article 1132-1 du code du travail :


« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »


La limite est le prosélytisme, qui consiste à vouloir imposer ses convictions (religieuses ou non) à autrui par pression ou violence.


Mais la croyance religieuse n’autorise pas le salarié à se soustraire à ses obligations découlant du contrat de travail.


Ainsi, au terme d’un arrêt en date du mars 1998, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant un employé d’un commerce de détail affecté au rayon boucherie qui, pour des raisons religieuses, refusait de manipuler de la viande de porc.


Les deux attendus sont à cet égard, intéressants :


« Attendu, cependant, que s'il est exact que l'employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n'entrent pas dans le cadre du contrat de travail et l'employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d'exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l'instant que celle-ci n'est pas contraire à une disposition d'ordre public ;


D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, alors que le travail demandé à M. Y... correspondait à celui d'un boucher, poste qu'il avait accepté d'occuper, et alors que le salarié n'a jamais soutenu qu'une clause de son contrat de travail ou une disposition du statut local prévoyait qu'en raison de ses convictions religieuses il serait dispensé de traiter la viande de porc, le tribunal supérieur d'appel n'a pas caractérisé la faute de l'employeur et a ainsi violé les textes susvisés ; »


Il ressort de cette jurisprudence que :


-       La restriction à l’exécution du contrat de travail pour des raisons religieuses ou autres doit avoir fait l’objet d’une clause dans le contrat de travail, ou encore d’une disposition légale ou réglementaire

-       Si tel n’est pas le cas une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement est encourue.


Dans notre cas pratique, une telle clause dans notre pays est difficilement imaginable, en tout cas très rare.


Si l’exercice d’un droit de retrait était envisagé, il faudrait, comme le fait la jurisprudence voir au cas par cas.


Mais l’on imagine très difficilement un cas d’espèce où le fait de se trouver dans un lieu naturiste, ou même voir des personnes dont la tenue est en rapport avec le lieu serait de nature à causer un danger grave et imminent pour la santé du travailleur.


Cet argument a donc toutes les chances d’être spécieux.


C’est donc l’exécution du contrat de travail qui prime…

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