La jurisprudence en matière de nudité hors lieux dédiés notamment urbaine ne bouge pas
- naturismedroit
- il y a 2 jours
- 5 min de lecture
Trois affaires ont récemment défrayé la chronique en matière de nudité publique.
1) Le mardi 3 décembre 2024, un homme de 63 ans a été condamné par le tribunal correctionnel de Coutances à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 500 € pour exhibition sexuelle sur une plage de Tourneville-sur-Mer (Manche), entre juin 2020 et juin 2024. L’homme, naturiste et résident de l’Eure avec une résidence secondaire à Blainville-sur-Mer, avait été relaxé pour des faits similaires en 2018 dans la mesure où semble-t’il il restait assez éloigné Malgré cette relaxe, plusieurs habitants de Tourneville-sur-Mer se sont plaints de ses actes de nudité sur la plage et dans les dunes.
Lors de l'audience, le prévenu s'est défendu en affirmant qu'il était naturiste et qu'il ne voyait pas de problème avec la nudité. Toutefois, le substitut du procureur a souligné que l'exhibition des parties intimes dans un espace public constituait une infraction, requérant six mois de prison avec sursis et une amende de 800 €. Le tribunal l’a condamné à trois mois de prison avec sursis et 500 € d’amende, ainsi qu’à 200 € à chacune des deux parties civiles à titre de préjudice moral. Il a exprimé son intention de faire appel à cette décision.
Quelle est la différence entre la situation ayant abouti à la relaxe de 2018 et la condamnation de 2024 ?
Peut-être s’agit-il du lieu de la nudité. Pour le premier procès le tribunal avait relevé que le prévenu se tenait assez éloigné d’autre personne et de la foule.
Ici il serait passé entre autres à proximité d’une famille, ainsi que sur une plage « bondée ».
C’est peut-être ce qui explique la différence d’issues judiciaires.
2) Dans la ville d’Albert dans la somme, un joggeur avait pris l’habitude de faire sa course quotidienne dans les rues. Ses entraînements avaient été signalés.
Vendredi 31 janvier, dans la matinée il est interpellé en plein footing dans le centre-ville. Là encore, il n’était vêtu que d’une casquette et d’une paire de baskets.
Une enquête a été ouverte et il a été placé en garde à vue « pour comprendre ses motivations ».
Nous ne savons pas si l’enquête a abouti à une issue judiciaire, à une alternative aux poursuites ou si elle s’est arrêtée là…
3) Un habitant d’une commune de Bretagne comparaissait devant une chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Rennes pour exhibitions sexuelles, pour des faits s’étalant entre le 16 mars et le 20 juin 2024, faits commis en récidive. Il a en effet fait l’objet de plusieurs condamnations pour des faits de même type. Militant de la nudité, il la pratique dans son jardin totalement ou partiellement dévêtu, Il s’agit donc d’une pratique revendiquée, qui a abouti à des tensions avec des voisins qui s’étaient constituées parties civiles devant la juridiction, tensions de longue date, toujours d’après lesdites parties civiles. Il a confirmé sa pratique devant le tribunal, voulant vivre libre, et est allé jusqu’à quitter le tribunal en cours d’audience. Il est condamné à une peine d’emprisonnement de six mois et à un total de 2.500 € de dommages-intérêts.
La motivation du tribunal était la suivante.
Dans le jugement après avoir rappelé les termes de l’article 222-32 du code pénal selon lequel :
« L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps, l'exhibition sexuelle est constituée si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé.
Lorsque les faits sont commis au préjudice d'un mineur de quinze ans, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende. »
Il est disposé que, s’agissant de la constitution de l’infraction en l’espèce :
« L'élément matériel de cette infraction est constitué dès lors que l’acte de nature sexuelle est commis dans un lieu supposé être privé mais accessible à la vue de personnes extérieures. Pour caractériser l’élément moral de cette infraction, il suffit que l'auteur de l'exhibition sexuelle sache qu'un témoin peut le voir.
M. X. reconnait et même revendique sa pratique du naturisme, qu'il justifie par le fait qu'il est libre d'agir comme bon lui semble sur sa propriété. Il ne pouvait ignorer que la taille de la haie qui séparait son terrain de celui des époux Y. exposait sa propriété à la vue de ses voisins… »
De prime abord c’est l’étonnement qui prévaut. En effet, il est question dans cette motivation d’un acte de nature sexuelle, ce qui ne semble pas évident en l’espèce, dans la mesure où le prévenu jardinait. Il est à noter qu’il était partiellement dévêtu, les parties sexuelles restant visibles.
Ici rentre en jeu le deuxième alinéa qui dispose que « même en l’absence d’exposition d’une partie dénudée du corps », ce qui est le cas ici, l’infraction est constituée en cas de « commission d’un acte sexuel réel ou simulé ».
De plus, il est précisé dans le début dudit alinéa, « Même… » ce qui signifie selon nous que celui-ci s’applique dans tous les cas, le corps étant partiellement ou totalement dévêtu.
La juridiction, dans sa motivation, doit donc préciser en quoi les agissements du prévenu constituent un acte sexuel réel ou simulé, et non considérer comme acquise cette qualification.
C’est ce que devra préciser la Cour d’appel.
Mais un élément nouveau rentre en ligne de compte.
Le 13 février 2025, la cour européenne des droits de l’homme, qui avait été saisie par le prévenu à l’encontre de l’une de ses condamnations précédentes, a rendu un arrêt confirmant un autre arrêt récent à l’encontre de l’interdiction des « cyclonues », et disposant que l’interdiction de la nudité n’était pas contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Le prévenu contestait cette condamnation au motif qu’elle était contraire à l’article 7 de la convention qui dispose en son alinéa 1 que :
« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »
Ce qui signifie notamment que la règle de droit appliquée doit être claire et précise.
Or la CEDH relève notamment que :
- les termes en avaient déjà été explicités par les juridictions internes notamment la cour de cassation
- le prévenu avait déjà été condamné quatre fois avant celle qu’il a contestée
- « rien ne justifie de remettre en question le raisonnement des juridictions internes, qui repose sur des motifs pertinents et suffisants. »
La condamnation était également contestée sur le fondement de l’article 10 de la convention au titre de la liberté d’expression.
Ici encore le motif est rejeté.
Quelles conclusions sont susceptibles d’êtres tirées de ce qui précède.
En premier lieu, face à une instance judiciaire, il y a des attitudes et des tactiques à avoir et à ne pas avoir.
- Dans le cas de la condamnation par le tribunal correctionnel de Coutances, le prévenu avait mis en avant sa relaxe, ce qui est normal, mais en citant non le tribunal mais les magistrat et procureur avec leurs noms et prénoms ce qui est contre-productif. C’est une juridiction qui jugeait et non des personnes en leurs noms propres. Par ailleurs peut-être que, se sentant encouragé par ladite relaxe, il s’est rendu dans des lieux nettement plus fréquentés. Dans chaque dossier il y a des éléments d’espèce propre qui sont à prendre en compte.
- Dans le cas de la condamnation par le tribunal correctionnel de Rennes, c’est encore plus flagrant. En effet, le prévenu n’a pas constitué avocat, a traité de fragile une voisine offusquée, ce qui a pu apparaître au tribunal comme dédaigneux ou méprisant, et a quitté les lieux pendant son interrogatoire, ce qui fait que tout le reste de l’audience s’est passé en son absence alors qu’il n’était ni assisté ni représenté ! Ajoutons à cela la prise à témoin du public par les réseaux, une victimisation maximale avec mise en cause de la justice.
Ce qui laisse une impression de « sabordage judiciaire ».
Comments