NU ART ET DROIT
Peut-il y avoir des limites dans l’art concernant notamment la nudité ?
Résumé d'une conférence-débat donnée à Arnaoutchot le 23 avril 2011
lors des festiv'arts d'Imaginat, et paru dans Naturisme magazine N° 12
La question des limites d’origine légale à la nudité dans l’art renvoie en fait à la notion de limites en général à une liberté qui de prime abord devrait être absolue, ici celle de créer et de diffuser ses créations.
Mais la liberté artistique n’est-elle pas déjà « bornée », ne serait-ce par exemple que par l’interdiction de l’apologie de valeurs, telles le racisme, contraires, à nos valeurs fondamentales.
Le but ici n’est pas de dresser une liste de tous les tempéraments à la liberté artistique mais de pointer certaines d’entre elles qui sont importantes, d’autant plus en matière de nu.
Tout d’abord, rappelons que le principe en matière artistique est la liberté. Il est contenu dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle, en ses articles 4 (« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ... » et 9 (« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. »)
- La convention européenne des droits de l’homme en son article 10, trop long à reproduire ici mais qui consacre la liberté d’expression en son premier alinéa
- la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée lors du Traité de Nice et qui a force contraignante depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 dont elle est une annexe. Elle consacre explicitement la liberté de l’art en son article 13 : (« Les arts et la recherche scientifique sont libres. La liberté académique est respectée. »)
Mais les textes précités définissent aussi les limites des droits
- - La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen définit bien les bornes en l’article 4, tandis que l’article 9 réprime l’abus de la liberté instituée
- - L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme après avoir défini la liberté d’expression en son premier alinéa, la borne de même en son deuxième pour ce qui a trait à certains domaines dont parmi lesquels pour ce qui nous concerne « … la protection de la santé ou de la morale, … ».
- - - Et l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux dispose que les limites doivent respecter le principe de proportionnalité
Quel est ce principe? C’est l’application juridique de l'idiome de bon sens selon lequel « on ne prend pas une bombe pour chasser une mouche ». La limite (ou ingérence) doit donc comme le dit la Cour européenne des droits de l’homme être « fondée sur un besoin impérieux et notamment proportionnée au but légitime recherché".
Les limites aux libertés fondamentales ont comme source le principe de proportionnalité.
Ensuite nous avons le principe fondamental édicté par l’article 16 du code civil :
« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.»
En matière artistique et de nudité, nous pouvons dégager trois « tempéraments principaux » :
- - Le droit à l’image qui est partie intégrante du droit à la protection de la vie privée (article 9 du code civil). Les juges peuvent ordonner toutes mesures pour faire cesser les atteintes ladite vie privée.
Ce droit à la vie privée comporte le fait que pour toute captation ou diffusion de l’image d’autrui, il faut l’accord de la personne représentée, soit ici du modèle.
Il est donc impératif pour l’artiste de faire signer une autorisation par celui-ci etenvisager (ce n’est pas facile…) toutes les éventualités possibles : retouche de l’image, ampleur de la diffusion (média, internet) etc…
Concernant les modèles mineurs, il convient de faire systématiquement signer les parents ou ayants-droit (tuteurs…)
En l’absence d’autorisation expresse la responsabilité de l’artiste peut être engagée.
- - Autre limite : la pornographie. Elle n’est pas facteur d’interdiction mais de restriction légale quant aux personnes susceptibles de voir une œuvre « pornographique ».
Il s’agit généralement d’une interdiction aux mineurs. L’article 227-24 du code pénal réprime ainsi « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d'un tel message… »
-La dernière des limites et certainement la plus intangible est l’interdiction de la pornographie mettant en scène des mineurs.
Elle est consacrée par :
o la Convention internationale des droits de l’enfant de New York du 20 novembre 2011 dite CIDE (en son article 34) :
« Les États parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. À cette fin, les États prennent en particulier toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher :
a) Que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale ;
b) Que des enfants ne soient exploités à des fins de prostitution ou autres pratiques sexuelles illégales ;
c) Que des enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel de caractère pornographique »
La pornographie infantile est définie parle protocole facultatif à la CIDE du 25 mai 2000 concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en son article 2c : « On entend par pornographie mettant en scène des enfants toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, dont la caractéristique dominante est d'être réalisée à des fins sexuelles.»
o En droit français, l’article 227-23 du code pénal punit notamment « Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique » d’une peine (maximum) de 5 ans de prisons et 75000 € d’amende et même le fait de « consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit » de deux ans de prison et € 30000 d’amende.
Deux précisions sont nécessaires ici :
1)Dans l’article 227-23, il est bien spécifié « image ou représentation ». Il peut donc s’agir d’une photo, mais aussi d’une peinture, d’une sculpture ou autre…
2)Certains tribunaux correctionnels, ainsi que la Cour d'appel de Montpellier ont considéré que la fait de capter détenir ou diffuser des photos de mineurs prises à leur insu dans les lieux naturistes était constitutif du délit prévu à l’article 227-23. Ce n’est pas (du tout !!!) de l’art mais nous préférons le préciser.
En guise de conclusion nous pouvons dire que, plus que de limites légales, il s’agit de faire cohabiter et d’harmoniser plusieurs droits :
-La liberté d’expression et la liberté de l’art
-Le droit de chacun sur sa propre image
-Le droit à la dignité de la personne
-La nécessaire protection de l’enfant, plus que jamais d’actualité.